Edward Said

Edward … Said : deux noms qui ne marchent pas ensemble, a priori. La dissonance, et le décalage, deux thèmes chers à celui qui fut, avec Yasser Arafat et Mahmoud Darwich, l’un des trois Palestiniens les plus connus du siècle dernier, sautent immédiatement aux oreilles et aux yeux quand on lit son nom. Sa mère l’avait appelé Edward parce que le Prince de Galles avait marqué de son élégance l’année 1935, celle de la naissance de Said. Said justement : ce nom de famille témoigne du monde arabe dans lequel l’intellectuel est né. Toute sa vie, il s’est efforcé de s’émanciper du modèle que ses parents avaient inventé et rêvé pour lui - ce fils d’une famille de protestants d’origine palestinienne, élevé à l’occidentale dans les collèges privés britanniques d’une Égypte cosmopolite dans laquelle la famille était exilée.



À la maison, il n’était pas question de politique. Edward Said ne devint pas homme d’affaires, comme le fut son père, ni médecin, comme il l’avait envisagé un moment, mais un intellectuel militant de la cause palestinienne exilé à New York et professeur de littérature comparée à Columbia. Au sens de la propriété développé par son père, il opposa le besoin de se sentir libre de pouvoir partir à tout moment. Pour Edward Said, « l’exil affûte le regard ». C’est en exil qu’il a passé la littérature occidentale du 19e siècle au crible d’une lecture critique et politique qui a mis en évidence un Orient imaginaire inventé par l’Occident colonisateur : en 1978, L’Orientalisme donnait un coup d’envoi aux études coloniales. Excellent pianiste et critique musical, grand amateur de musique occidentale classique et admirateur de Glenn Gould, Edward Said en 1993 rencontrait Daniel Barenboïm et nouait avec lui une très forte amitié. Tous les deux, ils créèrent le West Eastern Divan Orchestra, qui réunit des musiciens israéliens et arabes - palestiniens, égyptiens, libanais, syriens. L’idée est d’apprendre à de jeunes adultes élevés pour être des adversaires, à prendre l’autre en compte. Depuis la mort d’Edward Said en 2003, Daniel Barenboïm continue cette aventure sans son ami.