QUAND LES VOILES SE LÈVENT DE BELGACEM AÏT OUYAHIA
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QUAND LES VOILES SE LÈVENT DE BELGACEM AÏT OUYAHIA
Qui pouvait dire qu’une graine de couscous savoureuse raviverait la fraternité du coeur?
A cette sage question, les sages, épris de littérature au sens large du terme, répondront aisément, car ils savent, au fond d’eux-mêmes, que rien n’est plus fort que le sentiment formé dans l’expérience de l’histoire humaine et ce que la solidarité politique, la solidarité scientifique, la solidarité artistique apportent de bienfaits à l’individualité personnelle et du coup à la condition de tous les hommes. En d’autres temps, à propos de «L’homme qui se punit lui-même», Térence (v. 190-159 av. J.-C.) avait exprimé cette pensée: «Je suis homme, et rien de ce qui touche à l’humanité ne m’est étranger.» Le livre Quand les voiles se lèvent (*) de Belgacem Aït Ouyahia porte l’héritage moral, éducatif, social, culturel, voire politique, de son auteur.
Discrètement, mais résolument aussi, ce professeur de médecine, bien connu chez nous, ancien chef de service de Centre hospitalier universitaire (Maternité Mustapha d’Alger) s’est adonné à l’écriture de ses observations et de ses réflexions sur la société algérienne contemporaine en proie au désarroi quand «Tout est sens dessus dessous» et qu’explique parfaitement ce dicton populaire de Kabylie, rapporté par lui: «On ne reconnaît plus le noeud de fermeture de l’outre».
Belgacem Aït Ouyahia définit bien le sujet de son examen avec les intentions particulières du citoyen et selon les lois de sa profession. Il étudie un milieu où il a longtemps évolué avant sa retraite, et peut-être plus encore en le racontant quand il a enfin recouvré une liberté d’expression sans doute trop souvent retenue. Il y va alors sans concession, mais avec sérénité et justice, sans heurter le sens commun. Le titre de son livre Quand les voiles se lèvent est une allusion à la fois cinglante adressée aux imposteurs et aux désabusés et un acte de foi dans la sagesse des siens, de tous les siens, ceux qui vivent sous le ciel d’Algérie ou sous d’autres cieux et qui gardent cependant raison face au destin contraire, face aux dieux multiples et retors distributeurs de bons points et de mauvais points et dont «la bousboussade» à la mode est redoutable. Autrement dit: «Ceux qui, contre l’Histoire, refusaient de tourner la page, ceux pour qui l’indépendance était restée en travers de la gorge et qui pouvaient encore avoir des raisons de se réjouir des malheurs de l’Algérie! Des Français, passe encore, mais hélas! des Algériens aussi en étaient de ceux-là, toute honte bue.» Belgacem Ouyahia montre pourtant combien l’ambition, la désespérance, la mauvaise foi conduisent au dénigrement et à la fureur. Il est, en quelque sorte, un sauveur de conscience, un producteur de bonheur, un homme d’idéal dès lors qu’il prévient l’Algérien sur la nécessité de cultiver son honneur, d’écouter l’appel des héros nationaux, de prendre ses responsabilités, de choisir ses amis et ses plaisirs, de respecter les libertés et les opinions des autres, en d’autres termes, d’être au service de la tolérance, la plus noble des vertus.
Cette digression m’a paru utile, et à sa place; elle avertit le lecteur d’éviter les malentendus. Elle évoque la vérité et l’erreur de la vie civile dans notre pays. Ce n’est pas une critique de mauvaise langue, quoique certains disent peut-être...Pour illustrer son diagnostic total, le professeur Belgacem Ouyahia prend des exemples dans le monde où nous vivons. Il observe et réfléchit en homme de science, je dirai en naturaliste, - mais bien sûr, puisqu’il est médecin! Il l’est aussi par le style, par les outils qui ne sont pas ceux du romancier mais d’un auteur qui a su rester fidèle aux lois de son univers professionnel, par le choix des personnages et leurs centres d’intérêt, mais aussi à son devoir de citoyen par le ton sarcastique et les dialogues pleins de colère et de regret de n’en pouvoir mais.
Voyons, en raccourci, le thème que développe son récit. «Soâd et Hakima n’étaient pas des amies, à proprement parler: l’exubérance de celle-ci ne pouvait s’accommoder de la réserve de celle-là; mais les relations entre les deux jeunes filles étaient tout de même cordiales.» N’ayant pas la même appréciation des valeurs de la vie et de la foi, elles finissent par prendre de la distance. L’un derrière l’autre, apparaissent comme sous un microscope, des personnages portés par le témoignage de l’auteur et de celui de son entourage. L’un d’eux, l’auteur, est le plus caractéristique pour préciser les contours réels du conflit des deux jeunes filles et les contradictions relevées chez chacune d’elles dans le domaine des opinions et des croyances. L’auteur s’arrête tout autant sur les conditions particulières qui déterminent le destin de ses personnages et leur espace vital: Si Chérif, Mme Terhi, le Professeur Chabane, le Professeur Boukandour, ceux qui son montés au maquis, ceux qui ont été assassinés, les années de barbarie, les souffrances et les rancoeurs des émigrés, Mamy Rosa (le symbole d’amour et de tolérance n’est autre que Rose de Rieux!), des noms de personnes encore en vie,...l’hôpital Mustapha, l’hôpital Parnet, le Val d’Hydra, Scala, Bouzaréah,...Soâd va, contre vents et marées, être à Paris une stagiaire modèle et bien plus!...Puis, ayant passé le concours d’assistanat, elle rentre à Alger, fière de retrouver le pays et de le servir. Hélas! on ne veut pas d’elle à Mustapha; hélas! la bêtise et la méchanceté continuent de sévir et pareillement dans d’autres secteurs. Soâd ira ailleurs, Soâd l’Algérienne!
Quand les voiles se lèvent - mais qui les lèvera? - qui dans notre société déchirée saura exactement soigner ses blessures? L’épilogue de ce récit réserve, autour d’un couscous ancien retrouvé, une surprise, une espérance: la confiance en l’avenir, si Dieu veut!
(*) QUAND LES VOILES SE LÈVENT
de Belgacem Aït Ouyahia
Éditions Casbah, Alger, 2008, 174 pages.
A cette sage question, les sages, épris de littérature au sens large du terme, répondront aisément, car ils savent, au fond d’eux-mêmes, que rien n’est plus fort que le sentiment formé dans l’expérience de l’histoire humaine et ce que la solidarité politique, la solidarité scientifique, la solidarité artistique apportent de bienfaits à l’individualité personnelle et du coup à la condition de tous les hommes. En d’autres temps, à propos de «L’homme qui se punit lui-même», Térence (v. 190-159 av. J.-C.) avait exprimé cette pensée: «Je suis homme, et rien de ce qui touche à l’humanité ne m’est étranger.» Le livre Quand les voiles se lèvent (*) de Belgacem Aït Ouyahia porte l’héritage moral, éducatif, social, culturel, voire politique, de son auteur.
Discrètement, mais résolument aussi, ce professeur de médecine, bien connu chez nous, ancien chef de service de Centre hospitalier universitaire (Maternité Mustapha d’Alger) s’est adonné à l’écriture de ses observations et de ses réflexions sur la société algérienne contemporaine en proie au désarroi quand «Tout est sens dessus dessous» et qu’explique parfaitement ce dicton populaire de Kabylie, rapporté par lui: «On ne reconnaît plus le noeud de fermeture de l’outre».
Belgacem Aït Ouyahia définit bien le sujet de son examen avec les intentions particulières du citoyen et selon les lois de sa profession. Il étudie un milieu où il a longtemps évolué avant sa retraite, et peut-être plus encore en le racontant quand il a enfin recouvré une liberté d’expression sans doute trop souvent retenue. Il y va alors sans concession, mais avec sérénité et justice, sans heurter le sens commun. Le titre de son livre Quand les voiles se lèvent est une allusion à la fois cinglante adressée aux imposteurs et aux désabusés et un acte de foi dans la sagesse des siens, de tous les siens, ceux qui vivent sous le ciel d’Algérie ou sous d’autres cieux et qui gardent cependant raison face au destin contraire, face aux dieux multiples et retors distributeurs de bons points et de mauvais points et dont «la bousboussade» à la mode est redoutable. Autrement dit: «Ceux qui, contre l’Histoire, refusaient de tourner la page, ceux pour qui l’indépendance était restée en travers de la gorge et qui pouvaient encore avoir des raisons de se réjouir des malheurs de l’Algérie! Des Français, passe encore, mais hélas! des Algériens aussi en étaient de ceux-là, toute honte bue.» Belgacem Ouyahia montre pourtant combien l’ambition, la désespérance, la mauvaise foi conduisent au dénigrement et à la fureur. Il est, en quelque sorte, un sauveur de conscience, un producteur de bonheur, un homme d’idéal dès lors qu’il prévient l’Algérien sur la nécessité de cultiver son honneur, d’écouter l’appel des héros nationaux, de prendre ses responsabilités, de choisir ses amis et ses plaisirs, de respecter les libertés et les opinions des autres, en d’autres termes, d’être au service de la tolérance, la plus noble des vertus.
Cette digression m’a paru utile, et à sa place; elle avertit le lecteur d’éviter les malentendus. Elle évoque la vérité et l’erreur de la vie civile dans notre pays. Ce n’est pas une critique de mauvaise langue, quoique certains disent peut-être...Pour illustrer son diagnostic total, le professeur Belgacem Ouyahia prend des exemples dans le monde où nous vivons. Il observe et réfléchit en homme de science, je dirai en naturaliste, - mais bien sûr, puisqu’il est médecin! Il l’est aussi par le style, par les outils qui ne sont pas ceux du romancier mais d’un auteur qui a su rester fidèle aux lois de son univers professionnel, par le choix des personnages et leurs centres d’intérêt, mais aussi à son devoir de citoyen par le ton sarcastique et les dialogues pleins de colère et de regret de n’en pouvoir mais.
Voyons, en raccourci, le thème que développe son récit. «Soâd et Hakima n’étaient pas des amies, à proprement parler: l’exubérance de celle-ci ne pouvait s’accommoder de la réserve de celle-là; mais les relations entre les deux jeunes filles étaient tout de même cordiales.» N’ayant pas la même appréciation des valeurs de la vie et de la foi, elles finissent par prendre de la distance. L’un derrière l’autre, apparaissent comme sous un microscope, des personnages portés par le témoignage de l’auteur et de celui de son entourage. L’un d’eux, l’auteur, est le plus caractéristique pour préciser les contours réels du conflit des deux jeunes filles et les contradictions relevées chez chacune d’elles dans le domaine des opinions et des croyances. L’auteur s’arrête tout autant sur les conditions particulières qui déterminent le destin de ses personnages et leur espace vital: Si Chérif, Mme Terhi, le Professeur Chabane, le Professeur Boukandour, ceux qui son montés au maquis, ceux qui ont été assassinés, les années de barbarie, les souffrances et les rancoeurs des émigrés, Mamy Rosa (le symbole d’amour et de tolérance n’est autre que Rose de Rieux!), des noms de personnes encore en vie,...l’hôpital Mustapha, l’hôpital Parnet, le Val d’Hydra, Scala, Bouzaréah,...Soâd va, contre vents et marées, être à Paris une stagiaire modèle et bien plus!...Puis, ayant passé le concours d’assistanat, elle rentre à Alger, fière de retrouver le pays et de le servir. Hélas! on ne veut pas d’elle à Mustapha; hélas! la bêtise et la méchanceté continuent de sévir et pareillement dans d’autres secteurs. Soâd ira ailleurs, Soâd l’Algérienne!
Quand les voiles se lèvent - mais qui les lèvera? - qui dans notre société déchirée saura exactement soigner ses blessures? L’épilogue de ce récit réserve, autour d’un couscous ancien retrouvé, une surprise, une espérance: la confiance en l’avenir, si Dieu veut!
(*) QUAND LES VOILES SE LÈVENT
de Belgacem Aït Ouyahia
Éditions Casbah, Alger, 2008, 174 pages.
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