Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
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Séraphin
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Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Maquillage
Publié le: 21/11/2007
Son premier défrisage, elle l'a appliqué très jeune quand elle a découvert la rubrique « Soins » dans un
magazine oriental. Elle a décidé de masquer ses «frisés» avant de prendre le chemin du studio... du
photographe. Ses mèches rotbine faisaient bien sur la photo envoyée. Depuis, les babylis, bigoudis, séchoirs,
huiles, baumes, sérums et tous les produits capillaires n'ont plus de secrets pour elle. Mais à force de Wella,
ses cheveux défrisés frisent le walou. Heureusement les postiches sont là . Et puis les tresses africaines, ça fait
tendance. Retour donc aux origines.Pendant toutes les années qu'elle était occupée à se torturer les tifs, ya
latif, elle n'a pas vu le temps passer. C'est son ami d'enfance, le miroir qui, fidèle, lui renvoie sans mentir
l'image de ses premières rides. Depuis les confidences de la mraya, elle n'est plus ghaya. Bonjour les crèmes
de jour, tous les jours. Crème de nuit avec tout ce qui s'ensuit. Argile pour visage fragile. Masque qui ferait
trembler Zorro... « Zorroni kouli simana marra», semblait lui dire l'esthéticienne... la sienne et celle de toute la
high society...Premières caries. Premiers plombages. Premières extractions. Attention au « chourire ».
Première prothèse. Ch'est pas le moment de lâcher. Mordre la vie à pleines dents, c'est raté ! Mordre la vie à
« plein dentier » voilà che qui lui restait. Du coup l'esthéticienne devient echthétichienne. Ce n'est plus des
choins qu'il fallait mais un ravalement de façade. C'est qu'il y avait du boulot sur le chantier. L'argent de
quelques bijoux bradés ajouté à ses économies la conduisent vers un pays voisin pour un lifting, marché de
gré à gré... Le défrichage après le défrisage...Sa jeunesse retrouvée, elle décide de se payer un regard clair.
Avec son teint bronzé, des yeux pistache feraient merveille...- Bonjour monsieur, je voudrais des lentilles
vertes...C'est ainsi qu'elle se présente chez le photographe. C'est cette photo que notre fermlia a fourni pour les
affiches du vote sous laquelle on lira « flana cadre de la Santé, autodidacte ». Elle veut mentir à qui ? Ils
veulent mentir à qui tous ces têtes de... listes ?
p.s
j'aime beaucoup ce qu'il écrit
Publié le: 21/11/2007
Son premier défrisage, elle l'a appliqué très jeune quand elle a découvert la rubrique « Soins » dans un
magazine oriental. Elle a décidé de masquer ses «frisés» avant de prendre le chemin du studio... du
photographe. Ses mèches rotbine faisaient bien sur la photo envoyée. Depuis, les babylis, bigoudis, séchoirs,
huiles, baumes, sérums et tous les produits capillaires n'ont plus de secrets pour elle. Mais à force de Wella,
ses cheveux défrisés frisent le walou. Heureusement les postiches sont là . Et puis les tresses africaines, ça fait
tendance. Retour donc aux origines.Pendant toutes les années qu'elle était occupée à se torturer les tifs, ya
latif, elle n'a pas vu le temps passer. C'est son ami d'enfance, le miroir qui, fidèle, lui renvoie sans mentir
l'image de ses premières rides. Depuis les confidences de la mraya, elle n'est plus ghaya. Bonjour les crèmes
de jour, tous les jours. Crème de nuit avec tout ce qui s'ensuit. Argile pour visage fragile. Masque qui ferait
trembler Zorro... « Zorroni kouli simana marra», semblait lui dire l'esthéticienne... la sienne et celle de toute la
high society...Premières caries. Premiers plombages. Premières extractions. Attention au « chourire ».
Première prothèse. Ch'est pas le moment de lâcher. Mordre la vie à pleines dents, c'est raté ! Mordre la vie à
« plein dentier » voilà che qui lui restait. Du coup l'esthéticienne devient echthétichienne. Ce n'est plus des
choins qu'il fallait mais un ravalement de façade. C'est qu'il y avait du boulot sur le chantier. L'argent de
quelques bijoux bradés ajouté à ses économies la conduisent vers un pays voisin pour un lifting, marché de
gré à gré... Le défrichage après le défrisage...Sa jeunesse retrouvée, elle décide de se payer un regard clair.
Avec son teint bronzé, des yeux pistache feraient merveille...- Bonjour monsieur, je voudrais des lentilles
vertes...C'est ainsi qu'elle se présente chez le photographe. C'est cette photo que notre fermlia a fourni pour les
affiches du vote sous laquelle on lira « flana cadre de la Santé, autodidacte ». Elle veut mentir à qui ? Ils
veulent mentir à qui tous ces têtes de... listes ?
p.s
j'aime beaucoup ce qu'il écrit
Dernière édition par séraphin le Mer 6 Mai 2009 - 15:11, édité 1 fois
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Au sein de la vie
06/05/2009
Trop, c'est trop, ce que le monde peut user de salive pour des choses sans grand intérêt ou, du moins, dont l'intérêt n'est pas immédiat. Scotché dans mon lit, par une grippe, impossible me fut-il d'éviter les débats, commentaires, supputations, hypothèses, colères, compréhensions attendries... Le summum, le «sot-mum» concentré, naturellement, les «spécialistes» en tout, hurlant plus que débattant, ne respectant même pas les règles les plus simples de la courtoisie dans une parodie de joute politique où celui qui parle le plus fort l'emporte...
Chacun commençait ses phrases par le redondant et fort disgracieux «Moi-je» destiné là encore vraisemblablement, inconsciemment, à pallier la futilité naturelle et l'intérêt des mots qui allaient suivre. Toutes ces acrobaties verbales tournaient autour de la déclaration d'un professeur président de la Société d'oncologie médicale qui disait que « faute de moyens matériels, les rendez-vous pour les traitements de radiologie pour les cancers du sein sont suspendus jusqu'en 2010 et les autres traitements thérapeutiques (chimio,...) sont arrêtés depuis neuf mois faute de médicaments. Les hôpitaux étant en rupture de stock.»
En 2008, le service du professeur Kamel Benbouzid a commandé 16.000 doses mais il en reçu que 4.000 doses, soit le quart. Il s'agit, comme il le précise, de médicaments qui coûtent cher et qui ne sont pas produits en Algérie. Les centres régionaux qui ont été réalisés ne sont pas entièrement fonctionnels parce qu'ils ne disposent pas de tout le personnel nécessaire ni de radiothérapie. Quelle solution ? Laisser mourir les patients ou les maintenir en vie artificielle, juste le temps d'assister au festival panafricain ? ou transférer le budget alloué à ce méga-événement vers la santé pour équiper et/ou rénover les équipements de radiothérapie de l'ensemble des hôpitaux ?Ainsi on pourra attribuer le «fennec d'or» à nos responsables.
p.s
il n'est pas content aujourd'huis, mais de cause.
06/05/2009
Trop, c'est trop, ce que le monde peut user de salive pour des choses sans grand intérêt ou, du moins, dont l'intérêt n'est pas immédiat. Scotché dans mon lit, par une grippe, impossible me fut-il d'éviter les débats, commentaires, supputations, hypothèses, colères, compréhensions attendries... Le summum, le «sot-mum» concentré, naturellement, les «spécialistes» en tout, hurlant plus que débattant, ne respectant même pas les règles les plus simples de la courtoisie dans une parodie de joute politique où celui qui parle le plus fort l'emporte...
Chacun commençait ses phrases par le redondant et fort disgracieux «Moi-je» destiné là encore vraisemblablement, inconsciemment, à pallier la futilité naturelle et l'intérêt des mots qui allaient suivre. Toutes ces acrobaties verbales tournaient autour de la déclaration d'un professeur président de la Société d'oncologie médicale qui disait que « faute de moyens matériels, les rendez-vous pour les traitements de radiologie pour les cancers du sein sont suspendus jusqu'en 2010 et les autres traitements thérapeutiques (chimio,...) sont arrêtés depuis neuf mois faute de médicaments. Les hôpitaux étant en rupture de stock.»
En 2008, le service du professeur Kamel Benbouzid a commandé 16.000 doses mais il en reçu que 4.000 doses, soit le quart. Il s'agit, comme il le précise, de médicaments qui coûtent cher et qui ne sont pas produits en Algérie. Les centres régionaux qui ont été réalisés ne sont pas entièrement fonctionnels parce qu'ils ne disposent pas de tout le personnel nécessaire ni de radiothérapie. Quelle solution ? Laisser mourir les patients ou les maintenir en vie artificielle, juste le temps d'assister au festival panafricain ? ou transférer le budget alloué à ce méga-événement vers la santé pour équiper et/ou rénover les équipements de radiothérapie de l'ensemble des hôpitaux ?Ainsi on pourra attribuer le «fennec d'or» à nos responsables.
p.s
il n'est pas content aujourd'huis, mais de cause.
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
C'est parti, tu pars
Tu arrives à la vie en pleurant. Tu commences alors à parler et tu ne dis rien. Le silence est d'or.
Avant tu pleurais, criais, mangeais, dormais et... dans tes couches. Maintenant, tu commences à te construire. Dans ta tête. Tu commences à parler. «Mama». Non matgoulch mama, goul oumi.
«Papa». Non c'est abi qu'il faut dire. Plus tard, tu apprendras le mensonge, celui qui dégoûte, celui qui amuse, celui qui tue ou celui qui sauve.
Puis tu as commencé à ramper, à filer dans tous les sens, à te ruiner sur la zarbia, qu'en juste retour tu abreuvais de pipis. A force de regarder les grands courir autour de toi, et poussé par l'humaine volonté d'aller plus loin, tu t'es mis debout. Da... dache... khatoua après khatoua. Tu voulais toujours aller plus loin, comme un scientifique, tu as essayé différentes hypothèses ; mais bon, toi t'as jamais tué personne. En ratant tes expériences, tu finissais sur le nez. C'est un premier bobo, kioualou. Tu te relèves, bonjour les casseroles, verres et tout ce qui est à ta portée. Même les prises électriques. Tu iras loin.
El coulije déjà ! On t'apprend à être un mouton... Ecoute, tais-toi, réponds pas et sois sage. Vends-toi, vends les autres mais sois honnête. Apprends la vie. Apprends les jeux, les coups, l'histoire et l'anatomie de ta petite voisine. Fais ta loi, soumets-toi à celle des autres, surtout change rien à la Loi. Sois interchangeable, flou, remplaçable. Cache tes émotions, deviens un lion. Aimez-vous les uns les autres... Rebelle-toi, comme ton père qui a, depuis, tout compris. Compris qu'y a rien à comprendre.
La fac, possible. La liberté. Ou autres études qui mènent au boulot ou au chômage. Epoux possible. Père, ila rabbi ketteb. Des enfants, des soucis. Tu ne changeras rien dans l'univers. Dans une seconde, que dure la vie, tout ce que tu auras fait sera nul. Amas complexe de muscles, de nerfs, d'envies, de liquides, de vitesse, de désirs, de gestes. Tu cours, tu boîtes, tu rampes, tu bouges plus. Tu pars, ce sont les autres qui pleurent.
Tu arrives à la vie en pleurant. Tu commences alors à parler et tu ne dis rien. Le silence est d'or.
Avant tu pleurais, criais, mangeais, dormais et... dans tes couches. Maintenant, tu commences à te construire. Dans ta tête. Tu commences à parler. «Mama». Non matgoulch mama, goul oumi.
«Papa». Non c'est abi qu'il faut dire. Plus tard, tu apprendras le mensonge, celui qui dégoûte, celui qui amuse, celui qui tue ou celui qui sauve.
Puis tu as commencé à ramper, à filer dans tous les sens, à te ruiner sur la zarbia, qu'en juste retour tu abreuvais de pipis. A force de regarder les grands courir autour de toi, et poussé par l'humaine volonté d'aller plus loin, tu t'es mis debout. Da... dache... khatoua après khatoua. Tu voulais toujours aller plus loin, comme un scientifique, tu as essayé différentes hypothèses ; mais bon, toi t'as jamais tué personne. En ratant tes expériences, tu finissais sur le nez. C'est un premier bobo, kioualou. Tu te relèves, bonjour les casseroles, verres et tout ce qui est à ta portée. Même les prises électriques. Tu iras loin.
El coulije déjà ! On t'apprend à être un mouton... Ecoute, tais-toi, réponds pas et sois sage. Vends-toi, vends les autres mais sois honnête. Apprends la vie. Apprends les jeux, les coups, l'histoire et l'anatomie de ta petite voisine. Fais ta loi, soumets-toi à celle des autres, surtout change rien à la Loi. Sois interchangeable, flou, remplaçable. Cache tes émotions, deviens un lion. Aimez-vous les uns les autres... Rebelle-toi, comme ton père qui a, depuis, tout compris. Compris qu'y a rien à comprendre.
La fac, possible. La liberté. Ou autres études qui mènent au boulot ou au chômage. Epoux possible. Père, ila rabbi ketteb. Des enfants, des soucis. Tu ne changeras rien dans l'univers. Dans une seconde, que dure la vie, tout ce que tu auras fait sera nul. Amas complexe de muscles, de nerfs, d'envies, de liquides, de vitesse, de désirs, de gestes. Tu cours, tu boîtes, tu rampes, tu bouges plus. Tu pars, ce sont les autres qui pleurent.
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
La ligne
L'été arrive avec son lot de cérémonies familiales, de plages, de sorties, de rencontres... La période où l'on vit plus à l'extérieur qu'à l'intérieur, le temps où l'on s'expose de fait. Réveillons nos lignes. Les chachra courent à leur musculation. Les chirett, elles, se doivent de rogner les rondeurs. Faire attention à la bouffe. Si en hiver, tout ce qui entre fait ventre, en été, tout ce qui fait ventre ne doit pas encombrer le maillot.
Oui mais, comment expliquer à l'estomac de se faire discret ? Lui qui nous a accompagnés durant tout ces mois où nous étions retranchés à la maison...
« - Ecoute, yal masrane, si tu continues à me solliciter autant, je risque de t'en vouloir énormément. Je risque de te mépriser et de te rendre responsable de mon malheur. Il suffira que tu te fasses oublier une période. T'en fais pas, à la prochaine envie, je t'appellerai. Tu pourras me servir autant que tu voudras. Ce ne sera pas de ta faute à cet instant. A travers moi, on te manque de respect. On dit que tu es sans limite. Que tu avales n'importe quoi. Allons, tu comprends qu'il est temps de montrer que tu peux te passer de moi également».
Il a compris, l'estomac, qu'il n'avait pas d'autre choix que de faire partie du comité de soutien. Ce n'est pas grave, pense-t-il. Avec tout ce que j'ai emmagasiné ces derniers mois, le régime d'été n'est pas près de me supprimer aussi rapidement. On fera comme d'habitude. On laissera croire que la diète est présente pour ressurgir le moment opportun. Sournoisement mais fermement. Allons, faites du régime, les estomacs au placard vous surveillent.
Ce billet paraît décalé fi bladna. Le guellil qui le lira a un autre rapport avec l'estomac. Car son souci, c'est manger. Manger pour tromper la faim. Se nourrir, c'est une autre paire de manches.
L'été arrive avec son lot de cérémonies familiales, de plages, de sorties, de rencontres... La période où l'on vit plus à l'extérieur qu'à l'intérieur, le temps où l'on s'expose de fait. Réveillons nos lignes. Les chachra courent à leur musculation. Les chirett, elles, se doivent de rogner les rondeurs. Faire attention à la bouffe. Si en hiver, tout ce qui entre fait ventre, en été, tout ce qui fait ventre ne doit pas encombrer le maillot.
Oui mais, comment expliquer à l'estomac de se faire discret ? Lui qui nous a accompagnés durant tout ces mois où nous étions retranchés à la maison...
« - Ecoute, yal masrane, si tu continues à me solliciter autant, je risque de t'en vouloir énormément. Je risque de te mépriser et de te rendre responsable de mon malheur. Il suffira que tu te fasses oublier une période. T'en fais pas, à la prochaine envie, je t'appellerai. Tu pourras me servir autant que tu voudras. Ce ne sera pas de ta faute à cet instant. A travers moi, on te manque de respect. On dit que tu es sans limite. Que tu avales n'importe quoi. Allons, tu comprends qu'il est temps de montrer que tu peux te passer de moi également».
Il a compris, l'estomac, qu'il n'avait pas d'autre choix que de faire partie du comité de soutien. Ce n'est pas grave, pense-t-il. Avec tout ce que j'ai emmagasiné ces derniers mois, le régime d'été n'est pas près de me supprimer aussi rapidement. On fera comme d'habitude. On laissera croire que la diète est présente pour ressurgir le moment opportun. Sournoisement mais fermement. Allons, faites du régime, les estomacs au placard vous surveillent.
Ce billet paraît décalé fi bladna. Le guellil qui le lira a un autre rapport avec l'estomac. Car son souci, c'est manger. Manger pour tromper la faim. Se nourrir, c'est une autre paire de manches.
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Bezoins nouveaux
Il court, il court. L'homme. Après toutes ces nouveautés technologiques qui ont fait évoluer nos appareils préférés. Fini le téléviseur bombé qui faisait rêver l'enfant. On avait l'impression que c'était une boîte où on pouvait certainement entrer et participer aux divertissements. Une caisse qui résonnait de fantaisie. Fini. Début de la télévision LCD HD. L'image parfaite. Sans contour. Sans relief. Plate. Sans secret. Sans rêve. C'est comme le téléphone. Quand on l'avait en main. Il avait son poids. On ne pouvait pas le trimbaler partout. Il avait sa place et surtout il restait à sa place. Maintenant, on a inventé le I-phone. Facile à utiliser. Connexion à tous les services. 24H/24. On l'utilise de manière automatique presque sans le vouloir. C'est vrai, avant de passer un coup de fil, on se préparait à le faire. Souvent, il fallait se rendre à la poste pour contacter un interlocuteur. Téléphoner était un acte volontaire. Aujourd'hui, avec l'éventail des forfaits et autres facilités de crédit, cartes rechargeables, minutes offertes, paraboles mondiales de relais instantanés... etc. Téléphoner, envoyer un sms devient presque un acte social quotidien. Si on l'oublie, on est rapidement mal jugé par ses amis qui vous reprochent d'être distant. En effet, un SMS - y a pas plus simple. On autorise même les fautes d'orthographe, pourvu qu'on en envoie. Tous ces progrès ont tous le même objectif, faciliter et améliorer l'utilisation des outils domestiques. Ils existent pour nous combler paraît-il. Satisfait on l'est. C'est vrai. Mais à cause d'eux, on recherche le ravissement. Car, à la course au développement des techniques, nos besoins - sentiments étranges et difficiles à expliquer - sont eux aussi en pleine mutation. Dérèglement social assuré. On ne sait plus ce qu'on veut car la science et ses possibilités nous échappent totalement. On nous sert des envies avant même leur apprentissage. C'est pourquoi on n'a pas fini de courir. On n'a pas fini d'être rattrapés. On se rattrape, on développe au même rythme que la technologie, le mensonge.
- Allo je n'entends rien. Il n'y a sûrement pas de champ... avons-nous appris à chanter...
Il court, il court. L'homme. Après toutes ces nouveautés technologiques qui ont fait évoluer nos appareils préférés. Fini le téléviseur bombé qui faisait rêver l'enfant. On avait l'impression que c'était une boîte où on pouvait certainement entrer et participer aux divertissements. Une caisse qui résonnait de fantaisie. Fini. Début de la télévision LCD HD. L'image parfaite. Sans contour. Sans relief. Plate. Sans secret. Sans rêve. C'est comme le téléphone. Quand on l'avait en main. Il avait son poids. On ne pouvait pas le trimbaler partout. Il avait sa place et surtout il restait à sa place. Maintenant, on a inventé le I-phone. Facile à utiliser. Connexion à tous les services. 24H/24. On l'utilise de manière automatique presque sans le vouloir. C'est vrai, avant de passer un coup de fil, on se préparait à le faire. Souvent, il fallait se rendre à la poste pour contacter un interlocuteur. Téléphoner était un acte volontaire. Aujourd'hui, avec l'éventail des forfaits et autres facilités de crédit, cartes rechargeables, minutes offertes, paraboles mondiales de relais instantanés... etc. Téléphoner, envoyer un sms devient presque un acte social quotidien. Si on l'oublie, on est rapidement mal jugé par ses amis qui vous reprochent d'être distant. En effet, un SMS - y a pas plus simple. On autorise même les fautes d'orthographe, pourvu qu'on en envoie. Tous ces progrès ont tous le même objectif, faciliter et améliorer l'utilisation des outils domestiques. Ils existent pour nous combler paraît-il. Satisfait on l'est. C'est vrai. Mais à cause d'eux, on recherche le ravissement. Car, à la course au développement des techniques, nos besoins - sentiments étranges et difficiles à expliquer - sont eux aussi en pleine mutation. Dérèglement social assuré. On ne sait plus ce qu'on veut car la science et ses possibilités nous échappent totalement. On nous sert des envies avant même leur apprentissage. C'est pourquoi on n'a pas fini de courir. On n'a pas fini d'être rattrapés. On se rattrape, on développe au même rythme que la technologie, le mensonge.
- Allo je n'entends rien. Il n'y a sûrement pas de champ... avons-nous appris à chanter...
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Repos
02/05/2009
Debout, c'est la Fête du travail. Comme chaque année, c'est la journée du repos. On prend le chemin de l'école buissonnière. Le réveil est bâillonné. Les chefs oubliés. Farniente se profile à l'horizon. En toute quiétude. C'est autorisé ce jour-là. Le patron, lui, est inquiet de cette journée chômée. Une perte sèche. Les salariés sont ravis de cette liberté annuelle. Certains, profondément engagés socialement, sont émus qu'une journée officielle leur soit dédiée pour leur contribution à la création des richesses. La reconnaissance de leur labeur. La possibilité de s'échapper à une journée supplémentaire de travail. Une liberté reconnaissante en sorte. En économie, le travail est un facteur de production. Il est fourni par des employés en échange d'un salaire. Le marché du travail est l'endroit où des actifs rentrent et sortent. Dans notre inconscient, le travail désigne l'effort. Le salaire. Parlons-en. Il est au centre du travail mais est tabou aussi bien pour le rémunéré que le rémunérant. Combien ça coûte vraiment le travail. Par rapport à quoi on juge qu'un travail vaut telle ou telle compensation ? Le marché, nous répond-on. Ce fameux marché. Il paraît que c'est la même logique que les coûts des fruits et légumes pratiqués par les marchands. Plus il y en a, moins on les vend chers. Donc, si on est nombreux à vouloir travailler du coup, les emplois pourraient manquer. Les places deviennent chères. C'est ça, il faut mettre au chômage un grand nombre d'entre nous pour garantir sa place. Tout cela devient compliqué. C'est pourquoi, nombreux sont ceux qui refusent cette course à la place. On n'y comprend pas grand-chose. Par contre, on sait qu'il n'y a pas de travail. Un travail, où l'effort n'aurait pas sa place, a du mal également à imposer le salarié sérieusement. Dans sa famille, dans son quartier, dans la société tout court. Comme si on devait absolument souffrir pour valoir en tant que travailleur. On a tous besoin de repos, mais faut-il avoir du travail...
02/05/2009
Debout, c'est la Fête du travail. Comme chaque année, c'est la journée du repos. On prend le chemin de l'école buissonnière. Le réveil est bâillonné. Les chefs oubliés. Farniente se profile à l'horizon. En toute quiétude. C'est autorisé ce jour-là. Le patron, lui, est inquiet de cette journée chômée. Une perte sèche. Les salariés sont ravis de cette liberté annuelle. Certains, profondément engagés socialement, sont émus qu'une journée officielle leur soit dédiée pour leur contribution à la création des richesses. La reconnaissance de leur labeur. La possibilité de s'échapper à une journée supplémentaire de travail. Une liberté reconnaissante en sorte. En économie, le travail est un facteur de production. Il est fourni par des employés en échange d'un salaire. Le marché du travail est l'endroit où des actifs rentrent et sortent. Dans notre inconscient, le travail désigne l'effort. Le salaire. Parlons-en. Il est au centre du travail mais est tabou aussi bien pour le rémunéré que le rémunérant. Combien ça coûte vraiment le travail. Par rapport à quoi on juge qu'un travail vaut telle ou telle compensation ? Le marché, nous répond-on. Ce fameux marché. Il paraît que c'est la même logique que les coûts des fruits et légumes pratiqués par les marchands. Plus il y en a, moins on les vend chers. Donc, si on est nombreux à vouloir travailler du coup, les emplois pourraient manquer. Les places deviennent chères. C'est ça, il faut mettre au chômage un grand nombre d'entre nous pour garantir sa place. Tout cela devient compliqué. C'est pourquoi, nombreux sont ceux qui refusent cette course à la place. On n'y comprend pas grand-chose. Par contre, on sait qu'il n'y a pas de travail. Un travail, où l'effort n'aurait pas sa place, a du mal également à imposer le salarié sérieusement. Dans sa famille, dans son quartier, dans la société tout court. Comme si on devait absolument souffrir pour valoir en tant que travailleur. On a tous besoin de repos, mais faut-il avoir du travail...
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Faux-semblants
quatorze ans, il avait déjà commencé à faire la différence entre une pelure, un pastoral et autres papiers nobles. Il n'était pas plus haut que deux pommes quand il a commencé à malmener sa pomme d'Adam pour chanter « Djazaïria », s'accompagnant du tempo de la « platine Heidelberg » dont les pinces synchronisaient le transport du papier à la manière d'une danseuse baladant gracieusement deux foulards. Djazaïria, c'était aussi la marque du paquet de cigarettes sans filtres qui l'a accompagné toute sa vie. Qui l'a accompagné jusqu'à la fin. La fin du tirage. La mise en paquet et la livraison. L'imprimeur est parti. Sous le marbre. Les caractères boudent leurs casses. Le composteur est triste. La pince typo orpheline de paire de doigts ne reconnaît plus les minuscules, tant sa douleur est capitale.
Oui, il est parti l'imprimeur. Sans crier gare. En silence. Car sa douleur, ses douleurs, il savait les cacher pour ne parler que des douleurs des autres. Ces autres qu'il aidait à surmonter les aléas de la vie. Avec rien. Si ! avec beaucoup de plaisanterie. Tous les mots qu'il prononçait se tordaient de rire avant même qu'ils arrivent à son auditoire. Le blagueur au bon cœur. Le fêtard tout sourire. Le généreux qui savait occuper son coin de livret de famille sans grand tapage. Discrètement, il est parti. Non sans convoquer tout le monde, comme pour leur faire une dernière farce. «Oh non pas toi, pas toi qui savais dire je ne sais pas. Qui ne savais pas dire «ma aandich». Toi qui faisais du travail une religion. Toi qui as croqué la vie, au point de la consumer plus rapidement. L'imprimeur de joie sur les visages est parti. Les presses feront une minute de silence et moi, toute une vie de bruit pour combattre l'hypocrisie de ceux qui font semblant.
quatorze ans, il avait déjà commencé à faire la différence entre une pelure, un pastoral et autres papiers nobles. Il n'était pas plus haut que deux pommes quand il a commencé à malmener sa pomme d'Adam pour chanter « Djazaïria », s'accompagnant du tempo de la « platine Heidelberg » dont les pinces synchronisaient le transport du papier à la manière d'une danseuse baladant gracieusement deux foulards. Djazaïria, c'était aussi la marque du paquet de cigarettes sans filtres qui l'a accompagné toute sa vie. Qui l'a accompagné jusqu'à la fin. La fin du tirage. La mise en paquet et la livraison. L'imprimeur est parti. Sous le marbre. Les caractères boudent leurs casses. Le composteur est triste. La pince typo orpheline de paire de doigts ne reconnaît plus les minuscules, tant sa douleur est capitale.
Oui, il est parti l'imprimeur. Sans crier gare. En silence. Car sa douleur, ses douleurs, il savait les cacher pour ne parler que des douleurs des autres. Ces autres qu'il aidait à surmonter les aléas de la vie. Avec rien. Si ! avec beaucoup de plaisanterie. Tous les mots qu'il prononçait se tordaient de rire avant même qu'ils arrivent à son auditoire. Le blagueur au bon cœur. Le fêtard tout sourire. Le généreux qui savait occuper son coin de livret de famille sans grand tapage. Discrètement, il est parti. Non sans convoquer tout le monde, comme pour leur faire une dernière farce. «Oh non pas toi, pas toi qui savais dire je ne sais pas. Qui ne savais pas dire «ma aandich». Toi qui faisais du travail une religion. Toi qui as croqué la vie, au point de la consumer plus rapidement. L'imprimeur de joie sur les visages est parti. Les presses feront une minute de silence et moi, toute une vie de bruit pour combattre l'hypocrisie de ceux qui font semblant.
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
«Le siminaire»
« Je suis absent demain, je suis fi un séminaire ». Le séminaire, un moment apprécié de certains qui voient là la possibilité de se détendre. Dans tous les sens du terme. Partir loin de chez eux pour un court séjour entre collègues. Malgré les messages des dirigeants, l'ambiance est souvent au rendez-vous. On mange et on discute. Oups... On échange plutôt. On s'affuble du meilleur visage, de la meilleure volonté. On a sa place. Tenu en laisse. Vocabulaire châtié. Reconnaissance sans borne. On fait partie du groupe. Groupe des leaders des cadres de l'entreprise. On se sent quelqu'un quand on raconte qu'on est allé dans un séminaire. Le problème c'est que souvent, on n'arrive pas à dire ce qu'on a appris exactement ou se qu'on a fait pendant tout ce temps passé ensemble. Maalich. L'essentiel, c'est d'avoir été invité. En effet, le séminaire est un véritable baromètre. Si on est oublié dans la liste des participants, en général, ce n'est pas bon signe. C'est l'occasion de se faire valoir. On a l'opportunité d'approcher les boss. On s'arrange pour parler aux gens bien placés. On parade tels des paons en pleine saison des amours. Parfois ridicules. Souvent déterminés. On fonce. C'est le moment. D'autres ne sont pas aussi ambitieux. Ils viennent pour jouir d'un séjour « batal », gratis. Ils viennent presque comme en cure. Ils oublient les tracas de la maisonnée. Ils savent qu'ils auront la soupe à la grimace une fois de retour mais rien ne vaut ces instants de liberté. Durant lesquels, on vit autrement sans contraintes domestiques. « Ouine kount ? J'étais en séminaire koulchi binks ».
« Je suis absent demain, je suis fi un séminaire ». Le séminaire, un moment apprécié de certains qui voient là la possibilité de se détendre. Dans tous les sens du terme. Partir loin de chez eux pour un court séjour entre collègues. Malgré les messages des dirigeants, l'ambiance est souvent au rendez-vous. On mange et on discute. Oups... On échange plutôt. On s'affuble du meilleur visage, de la meilleure volonté. On a sa place. Tenu en laisse. Vocabulaire châtié. Reconnaissance sans borne. On fait partie du groupe. Groupe des leaders des cadres de l'entreprise. On se sent quelqu'un quand on raconte qu'on est allé dans un séminaire. Le problème c'est que souvent, on n'arrive pas à dire ce qu'on a appris exactement ou se qu'on a fait pendant tout ce temps passé ensemble. Maalich. L'essentiel, c'est d'avoir été invité. En effet, le séminaire est un véritable baromètre. Si on est oublié dans la liste des participants, en général, ce n'est pas bon signe. C'est l'occasion de se faire valoir. On a l'opportunité d'approcher les boss. On s'arrange pour parler aux gens bien placés. On parade tels des paons en pleine saison des amours. Parfois ridicules. Souvent déterminés. On fonce. C'est le moment. D'autres ne sont pas aussi ambitieux. Ils viennent pour jouir d'un séjour « batal », gratis. Ils viennent presque comme en cure. Ils oublient les tracas de la maisonnée. Ils savent qu'ils auront la soupe à la grimace une fois de retour mais rien ne vaut ces instants de liberté. Durant lesquels, on vit autrement sans contraintes domestiques. « Ouine kount ? J'étais en séminaire koulchi binks ».
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Des brouilles
La famille nombreuse habite au centre-ville. Ils auront de l'eau, un jour sur trois, à des heures précises. Dans les deux-pièces, cuisine et toilettes, ils ne peuvent installer un réservoir. Salut l'hygiène. Il n'y a pas de balcons. Seules les deux fenêtres qui donnent sur une cour leur permettent de voir la lumière du jour. Du soleil, il n'y en a point. Des moustiques, il y en a énormément. De l'espace, il n'y en a point. Des jerrycans, il y en a à profusion. Des salaires, il n'y en a point. Des enfants, il y en a beaucoup. Des ktef, il n'y en a point. Des machakil, il y en a beaucoup. L'aîné de cette famille rentre à six heures du matin. Il réveille le cadet pour la relève. C'est lui qui doit gérer la tabla doukhène, que l'aîné avait installée toute la nuit près de l'hôpital, et permettre à son grand frère d'occuper le lit la journée. Les enfants scolarisés dorment dans la cuisine. C'est pratique, car toute la journée ils sont dehors, soit à l'école, ou dans la rue. Deux d'entre eux travaillent à leurs heures perdues. Comme ils en ont beaucoup... Ils ont été recrutés pour leur belle voix aiguë. Tous les jours après les heures de classe, ils confient leur cartable à un camarade de classe, qui les ramène à la maison, et courent grimper dans le fourgon. Ils arrivent éreintés, leur voix éteinte d'avoir hurlé «les batata» pendant des heures. Leurs parents n'osent même pas leur demander de réviser ou faire leurs devoirs de classe. Les dinars qu'ils gagnent en trimant, leur sont payés en liquide. C'est eux qui approvisionnent la maisonnée en eau douce.
La jeune fille trime toute la journée avec sa maman, avant de monter chez les voisins, qui lui offrent un lit en échange de l'entretien d'une grand-mère handicapée. Le père, ou ce qui reste de cet ouvrier, dont l'entreprise a été fermée, n'arrive pas à trouver un boulot fixe. Les entreprises privées préfèrent recruter des célibataires. Hier, en passant près de leur immeuble, Otchimine a reconnu les voix des enfants crieurs de «ma hlou» chantant «Algérie... mon amour, Algérie, pour toujours».
La famille nombreuse habite au centre-ville. Ils auront de l'eau, un jour sur trois, à des heures précises. Dans les deux-pièces, cuisine et toilettes, ils ne peuvent installer un réservoir. Salut l'hygiène. Il n'y a pas de balcons. Seules les deux fenêtres qui donnent sur une cour leur permettent de voir la lumière du jour. Du soleil, il n'y en a point. Des moustiques, il y en a énormément. De l'espace, il n'y en a point. Des jerrycans, il y en a à profusion. Des salaires, il n'y en a point. Des enfants, il y en a beaucoup. Des ktef, il n'y en a point. Des machakil, il y en a beaucoup. L'aîné de cette famille rentre à six heures du matin. Il réveille le cadet pour la relève. C'est lui qui doit gérer la tabla doukhène, que l'aîné avait installée toute la nuit près de l'hôpital, et permettre à son grand frère d'occuper le lit la journée. Les enfants scolarisés dorment dans la cuisine. C'est pratique, car toute la journée ils sont dehors, soit à l'école, ou dans la rue. Deux d'entre eux travaillent à leurs heures perdues. Comme ils en ont beaucoup... Ils ont été recrutés pour leur belle voix aiguë. Tous les jours après les heures de classe, ils confient leur cartable à un camarade de classe, qui les ramène à la maison, et courent grimper dans le fourgon. Ils arrivent éreintés, leur voix éteinte d'avoir hurlé «les batata» pendant des heures. Leurs parents n'osent même pas leur demander de réviser ou faire leurs devoirs de classe. Les dinars qu'ils gagnent en trimant, leur sont payés en liquide. C'est eux qui approvisionnent la maisonnée en eau douce.
La jeune fille trime toute la journée avec sa maman, avant de monter chez les voisins, qui lui offrent un lit en échange de l'entretien d'une grand-mère handicapée. Le père, ou ce qui reste de cet ouvrier, dont l'entreprise a été fermée, n'arrive pas à trouver un boulot fixe. Les entreprises privées préfèrent recruter des célibataires. Hier, en passant près de leur immeuble, Otchimine a reconnu les voix des enfants crieurs de «ma hlou» chantant «Algérie... mon amour, Algérie, pour toujours».
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Les salades
La notion du temps chez les animaux, et chez nos congénères, n'est pas la même. Ainsi, chez les tortues, par exemple, une durée d'une année, terrestre, équivaut à quelques heures chez une autre espèce, l'homo sapiens par exemple, dont l'homme est le digne représentant de la race, ou chez les léporidés, communément appelés lapins ou lièvres. Chez ces derniers, on ne parle que de minutes et de secondes.
Pour illustrer ce phénomène scientifique, revenons à nos tortues. Dans une communauté de tortues, appelée «fast rabbits» (lapins rapides), une famille, voulant déjeuner, envoya son jeune rejeton au marché acheter un peu de laitue. Calculant le temps de l'aller et du retour, le père de famille estima que son fils, dénommé «Carapaçon», mettra trois années pour l'aller et trois autres années pour revenir du marché. Il s'organisa donc en conséquence et demanda à son épouse «Goumbria» - oui, c'est son nom - de dresser la table et de «prendre tout son temps». Enfin, c'est une façon de parler.
Six ans après, le fils prodigue revint de son marché l'air triomphant, un peu vieilli, mais tenant fièrement sous le bras, pardon sous la carapace, la fameuse laitue. Un peu défraîchie, mais néanmoins encore comestible. La table était dressée et n'attendait plus que la nourriture.
Mauvaise surprise ! Il n'y avait plus de sel, et manger de la salade sans sel reviendrait à mastiquer du carton, car c'est tout comme. On décida alors d'envoyer de nouveau le cher rejeton au marché pour ramener le fameux produit qui donnera du goût à leur salade (sans jeu de mots). Cependant, craignant que la laitue soit mangée sans lui, et sans sel, maâliche, Carapaçon décida de ne pas aller au marché, mais d'épier ses parents. Il se cacha alors dans un coin de la modeste demeure et attendit. En fait, il décida d'attendre le temps théorique qu'il devait mettre pour aller chercher le sel, c'est-à-dire six années. Chose dite chose faite. Les six années sont enfin écoulées. Carapaçon avait encore pris de l'âge. Il avait donné douze années de sa vie pour une laitue. Celle-ci n'était plus comestible, et n'a pas été mangée par les parents, mais par les vers.
Il décida alors de se montrer. «Mais où est le sel ?», tonna le père. «Mais où est le sel ?», renchérit la mère. «Je ne suis pas parti au marché», répondit Carapaçon, l'oeil scintillant de malice. «J'avais peur que vous ne mangiez la salade sans moi, j'avais trop faim !».
Comme quoi, quand le temps manque de sel, c'est de la salade !
La notion du temps chez les animaux, et chez nos congénères, n'est pas la même. Ainsi, chez les tortues, par exemple, une durée d'une année, terrestre, équivaut à quelques heures chez une autre espèce, l'homo sapiens par exemple, dont l'homme est le digne représentant de la race, ou chez les léporidés, communément appelés lapins ou lièvres. Chez ces derniers, on ne parle que de minutes et de secondes.
Pour illustrer ce phénomène scientifique, revenons à nos tortues. Dans une communauté de tortues, appelée «fast rabbits» (lapins rapides), une famille, voulant déjeuner, envoya son jeune rejeton au marché acheter un peu de laitue. Calculant le temps de l'aller et du retour, le père de famille estima que son fils, dénommé «Carapaçon», mettra trois années pour l'aller et trois autres années pour revenir du marché. Il s'organisa donc en conséquence et demanda à son épouse «Goumbria» - oui, c'est son nom - de dresser la table et de «prendre tout son temps». Enfin, c'est une façon de parler.
Six ans après, le fils prodigue revint de son marché l'air triomphant, un peu vieilli, mais tenant fièrement sous le bras, pardon sous la carapace, la fameuse laitue. Un peu défraîchie, mais néanmoins encore comestible. La table était dressée et n'attendait plus que la nourriture.
Mauvaise surprise ! Il n'y avait plus de sel, et manger de la salade sans sel reviendrait à mastiquer du carton, car c'est tout comme. On décida alors d'envoyer de nouveau le cher rejeton au marché pour ramener le fameux produit qui donnera du goût à leur salade (sans jeu de mots). Cependant, craignant que la laitue soit mangée sans lui, et sans sel, maâliche, Carapaçon décida de ne pas aller au marché, mais d'épier ses parents. Il se cacha alors dans un coin de la modeste demeure et attendit. En fait, il décida d'attendre le temps théorique qu'il devait mettre pour aller chercher le sel, c'est-à-dire six années. Chose dite chose faite. Les six années sont enfin écoulées. Carapaçon avait encore pris de l'âge. Il avait donné douze années de sa vie pour une laitue. Celle-ci n'était plus comestible, et n'a pas été mangée par les parents, mais par les vers.
Il décida alors de se montrer. «Mais où est le sel ?», tonna le père. «Mais où est le sel ?», renchérit la mère. «Je ne suis pas parti au marché», répondit Carapaçon, l'oeil scintillant de malice. «J'avais peur que vous ne mangiez la salade sans moi, j'avais trop faim !».
Comme quoi, quand le temps manque de sel, c'est de la salade !
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Ouine ghadi biya ?
Réussir ses études n'est plus un objectif, pour l'enfant. « Khouya kène brillant. Il a eu sa licence avec félicitations du jury. Depuis, il est au chômage, tous les murs du quartier le connaissent ».
Le travail n'est plus une vertu pour le gosse quand il voit le voisin vivre comme un nabab, devenir charika gadra sans bouger le petit doigt.
Mais, où allons-nous ainsi ? Le bon sens laisse prévoir que c'est vers la destruction d'une société qui a su résister pourtant aux pires des exactions.
Il n'est nul besoin de connaître la régression linéaire ou autre méthode de prévision pour pouvoir dire qu'à l'arrivée, il ne fera pas bon ! La belle journée, c'est à l'aube qu'on la reconnaît, et notre aube, à nous, n'est pas gaie du tout.
Tous ces enfants qui ne savent plus quoi faire de leur vie, tous ces parents qui ne peuvent pas ne pas être angoissés devant l'indigence qu'on leur prescrit d'office, et tous ces jeunes qui, à défaut de faire éclater leurs capacités bienfaitrices, ne pensent plus qu'à se défoncer pour pouvoir glisser entre les doigts de leur propre société. Nous sommes en train de les perdre entre un discours pas très nécessaire et un silence toujours de trop. La léthargie dans laquelle tout semble plonger ainsi que le désarroi de ceux qui ne voient rien venir interpellent ce qui pourrait encore rester d'un amour propre, mille fois révisé et autant de fois brûlé vif par des monstres ivres de pouvoir.
Où va-t-on donc ? Où va-t-on avec une école qui vomit ses élèves et des jardins publics qui puent la drogue ? Où va-t-on avec des entreprises qui font fi de leur responsabilité sociale et des suicides qui se généralisent ? Mais, où va-t-on donc ? Ouine ?
Le malaise qui frappe un peu partout le monde du travail ; la désillusion qui renverse à tous les niveaux les derniers à traîner encore un quelconque espoir ; la déception qui étale son voile, chaque jour, sur une partie plus grande de la société, doivent être considérés comme des signes sérieux d'un effritement qui hurle son nom. Et, c'est ici que cela se passe, dans ce pays de merveilles, dont les fleurs ont malheureusement appris à se faner à l'état de bourgeons, où la pluie continue à sécher avant de toucher le sol. Ouine ghadi biya khouya ?
Réussir ses études n'est plus un objectif, pour l'enfant. « Khouya kène brillant. Il a eu sa licence avec félicitations du jury. Depuis, il est au chômage, tous les murs du quartier le connaissent ».
Le travail n'est plus une vertu pour le gosse quand il voit le voisin vivre comme un nabab, devenir charika gadra sans bouger le petit doigt.
Mais, où allons-nous ainsi ? Le bon sens laisse prévoir que c'est vers la destruction d'une société qui a su résister pourtant aux pires des exactions.
Il n'est nul besoin de connaître la régression linéaire ou autre méthode de prévision pour pouvoir dire qu'à l'arrivée, il ne fera pas bon ! La belle journée, c'est à l'aube qu'on la reconnaît, et notre aube, à nous, n'est pas gaie du tout.
Tous ces enfants qui ne savent plus quoi faire de leur vie, tous ces parents qui ne peuvent pas ne pas être angoissés devant l'indigence qu'on leur prescrit d'office, et tous ces jeunes qui, à défaut de faire éclater leurs capacités bienfaitrices, ne pensent plus qu'à se défoncer pour pouvoir glisser entre les doigts de leur propre société. Nous sommes en train de les perdre entre un discours pas très nécessaire et un silence toujours de trop. La léthargie dans laquelle tout semble plonger ainsi que le désarroi de ceux qui ne voient rien venir interpellent ce qui pourrait encore rester d'un amour propre, mille fois révisé et autant de fois brûlé vif par des monstres ivres de pouvoir.
Où va-t-on donc ? Où va-t-on avec une école qui vomit ses élèves et des jardins publics qui puent la drogue ? Où va-t-on avec des entreprises qui font fi de leur responsabilité sociale et des suicides qui se généralisent ? Mais, où va-t-on donc ? Ouine ?
Le malaise qui frappe un peu partout le monde du travail ; la désillusion qui renverse à tous les niveaux les derniers à traîner encore un quelconque espoir ; la déception qui étale son voile, chaque jour, sur une partie plus grande de la société, doivent être considérés comme des signes sérieux d'un effritement qui hurle son nom. Et, c'est ici que cela se passe, dans ce pays de merveilles, dont les fleurs ont malheureusement appris à se faner à l'état de bourgeons, où la pluie continue à sécher avant de toucher le sol. Ouine ghadi biya khouya ?
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
JE N'AIME PAS.................................. J'ADORE
TOP C'EST TROP TOPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPP
Je n'ai pas tout lu mais uniquement les deux première histoire de faire durer le plaisir
Merci Séraphin pour ce choix judicieux
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Faim-mot
Avec les froids nocturnes, les sans-abri réapparaissent sur les bouches d'air des boulangeries à la recherche d'un peu de chaleur. Hypocritement on les appelle sans domicile fixe', alors que de domicile ils n'ont ont point, fixe ou pas. Ce soir, un ami me faisait remarquer qu'il y avait une personne qui dormait dans l'entrée de l'immeuble à côté du sien, toutes les nuits, quelle que soit la saison, depuis des années ; une sorte de fixe sans domicile.
Dans mon enfance on les nommait «clochards», personnes qui, en règle générale, avaient choisi de se mettre en dehors de la société, de se tenir à l'écart de leurs semblables et vivotaient de-ci de-là, souvent la bouteille de vin à portée de la main.
Aujourd'hui, nous rencontrons beaucoup plus souvent une clochardisation subie, une société rejetant certains de ses constituants dans une non-vie incertaine.
Mais, ceci dit, savez-vous pourquoi on appelle ces exclus des clochards ?
Il se trouve qu'au Moyen Age, à la fin des marchés on sonnait la cloche qui était le signal pour les pauvres qu'ils pouvaient venir glaner les invendus, les fruits plus très frais, les légumes flétris. Ceux qui répondaient à ce signal étaient, de manière méprisante, appelés des clochards.
Finalement, peu de chose a changé depuis.
Hier, avant le passage du camion de ramassage des ordures dans cette rue-marché quotidien, une meute d'enfants et de femmes, courbés nez sur l'asphalte dégueulasse, ils s'arrachaient les légumes pourris et les fruits piqués jetés par les «légumiers» en fin de journée. Alors clochard ? Non ce sont des pauvres. Ceux qui ont honte de tendre la main. Main qu'on courtise lors des élections.
Avec les froids nocturnes, les sans-abri réapparaissent sur les bouches d'air des boulangeries à la recherche d'un peu de chaleur. Hypocritement on les appelle sans domicile fixe', alors que de domicile ils n'ont ont point, fixe ou pas. Ce soir, un ami me faisait remarquer qu'il y avait une personne qui dormait dans l'entrée de l'immeuble à côté du sien, toutes les nuits, quelle que soit la saison, depuis des années ; une sorte de fixe sans domicile.
Dans mon enfance on les nommait «clochards», personnes qui, en règle générale, avaient choisi de se mettre en dehors de la société, de se tenir à l'écart de leurs semblables et vivotaient de-ci de-là, souvent la bouteille de vin à portée de la main.
Aujourd'hui, nous rencontrons beaucoup plus souvent une clochardisation subie, une société rejetant certains de ses constituants dans une non-vie incertaine.
Mais, ceci dit, savez-vous pourquoi on appelle ces exclus des clochards ?
Il se trouve qu'au Moyen Age, à la fin des marchés on sonnait la cloche qui était le signal pour les pauvres qu'ils pouvaient venir glaner les invendus, les fruits plus très frais, les légumes flétris. Ceux qui répondaient à ce signal étaient, de manière méprisante, appelés des clochards.
Finalement, peu de chose a changé depuis.
Hier, avant le passage du camion de ramassage des ordures dans cette rue-marché quotidien, une meute d'enfants et de femmes, courbés nez sur l'asphalte dégueulasse, ils s'arrachaient les légumes pourris et les fruits piqués jetés par les «légumiers» en fin de journée. Alors clochard ? Non ce sont des pauvres. Ceux qui ont honte de tendre la main. Main qu'on courtise lors des élections.
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Ragoût et dégoût
L'orchestre des ustensiles de cuisine a démarré très tôt dans la cuisine. La veille, sa femme a noté la recette présentée à la télé. A même essayé de prendre en photo numérique depuis son poste de TV, le résultat final. Elle a aussitôt déclaré à son mari : c'est ça que tu vas manger demain inchallah. Il en a marre de toutes ses nouveautés. De nouveaux goûts à la mode, lui explique son épouse. Lui, il ne comprend rien à cette mode. Il voudrait retrouver les vrais plats d'antan. L'odeur. Le goût vrai des plats de son enfance. Les gâteaux exhibent des couleurs pastel de colorants industriels. L'autre jour, il a même vu chez le pâtissier des gâteaux couleurs argent ou or. Avec des paillettes. Il s'est dit que jamais il n'oserait les porter à sa bouche. Il aurait l'impression de manger un bout de la robe de cérémonie de sa femme. Ecoeurant. Beurk ! Oine raki ya mma ?. Aujourd'hui, grâce à toutes les facilités offertes à nos femmes, celles-ci se paient le luxe de garder des mains fines et gracieuses. Douces. Qui s'en plaindraient ? Que nos femmes s'usent moins à la tâche, c'est plutôt une avancée sociale notable. C'est le reste qui préoccupe. En effet, les plats préparés font de plus en plus leur apparition chez nous. Distancés par des fast-foods qui se répandent tels des champignons. On connaît le résultat de toutes ces facilités alimentaires dans d'autres pays. L'obésité. Notre cuisine traditionnelle en fabriquait aussi. Mais elle était plus seine et ne démarrait que plus tard dans la vie. Celle des pays occidentaux touche des enfants dès leur premier âge. Sauve qui peut nos pauvres estomacs qui ne comprennent rien au progrès. Nos portes-monnaies, eux, se retrouvent amaigris par des dépenses poussées par une réclame sans cesse clamant des nouveautés culinaires. Monstres marketing. Reprenons nos valeurs de table - simples et accessibles - celles qui nous donnaient du bonheur et non de la frustration. Ouine raki ya douara, el felfel, el batata à toutes les sauces ? Dans nos assiettes un oeuf dur mayonnaise chichement décoré pour tromper le palais et s'installer dans le royaume de nos habitudes alimentaires. Soldats, garde fous... heu enzime garde-à-vous.
L'orchestre des ustensiles de cuisine a démarré très tôt dans la cuisine. La veille, sa femme a noté la recette présentée à la télé. A même essayé de prendre en photo numérique depuis son poste de TV, le résultat final. Elle a aussitôt déclaré à son mari : c'est ça que tu vas manger demain inchallah. Il en a marre de toutes ses nouveautés. De nouveaux goûts à la mode, lui explique son épouse. Lui, il ne comprend rien à cette mode. Il voudrait retrouver les vrais plats d'antan. L'odeur. Le goût vrai des plats de son enfance. Les gâteaux exhibent des couleurs pastel de colorants industriels. L'autre jour, il a même vu chez le pâtissier des gâteaux couleurs argent ou or. Avec des paillettes. Il s'est dit que jamais il n'oserait les porter à sa bouche. Il aurait l'impression de manger un bout de la robe de cérémonie de sa femme. Ecoeurant. Beurk ! Oine raki ya mma ?. Aujourd'hui, grâce à toutes les facilités offertes à nos femmes, celles-ci se paient le luxe de garder des mains fines et gracieuses. Douces. Qui s'en plaindraient ? Que nos femmes s'usent moins à la tâche, c'est plutôt une avancée sociale notable. C'est le reste qui préoccupe. En effet, les plats préparés font de plus en plus leur apparition chez nous. Distancés par des fast-foods qui se répandent tels des champignons. On connaît le résultat de toutes ces facilités alimentaires dans d'autres pays. L'obésité. Notre cuisine traditionnelle en fabriquait aussi. Mais elle était plus seine et ne démarrait que plus tard dans la vie. Celle des pays occidentaux touche des enfants dès leur premier âge. Sauve qui peut nos pauvres estomacs qui ne comprennent rien au progrès. Nos portes-monnaies, eux, se retrouvent amaigris par des dépenses poussées par une réclame sans cesse clamant des nouveautés culinaires. Monstres marketing. Reprenons nos valeurs de table - simples et accessibles - celles qui nous donnaient du bonheur et non de la frustration. Ouine raki ya douara, el felfel, el batata à toutes les sauces ? Dans nos assiettes un oeuf dur mayonnaise chichement décoré pour tromper le palais et s'installer dans le royaume de nos habitudes alimentaires. Soldats, garde fous... heu enzime garde-à-vous.
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Lik et liya
Pourquoi pas ? Il arrive avec un brassard de fortune autour du bras. Une matraque. Il lorgne une parcelle de trottoir et le voilà gardien de voitures. Comme il ne peut pas travailler 24 sur 24, il fait appel aux cousins et voisins pour la relève. C'est sa partie de l'Algérie qu'il revendique. Fi dik el houma il devient le coq, il ne travaille plus. Après quelques mois, c'est lui qui régule le stationnement dans tout le quartier. Tu as intérêt à être en bons termes avec lui, si tu veux pouvoir stationner devant ta boutique pour charger ou décharger une marchandise. Par la force du temps, c'est lui et ses sbires qui font la loi. Pourquoi pas ?
Il prend sa femme, son gosse, il grimpe l'escalier de l'immeuble ; une fois arrivé à la terrasse, il s'installe dans la «buanderie», change les serrures de la terrasse et jure de faire sauter une bouteille de butane si on venait le chasser de sa partie de l'Algérie patrie pétrie pour tous. Pourquoi pas ? Aujourd'hui il a un compteur électrique en son nom, donc une quittance Sonelgaz, donc une carte de résidence, donc une propriété. Et pourquoi pas ?
Il est appelé par le cousin du douar. Il se débrouille quelques tôles et, bel mtol, il construit son gîte. Barraka devant la barraka du cousin qui fait appel aux autres cousins et c'est le bidonville qui s'installe au pied de la ville. Dalma fi dalma, c'est l'insécurité, il faut donc leur installer l'électricité dans leur partie de l'Algérie. Ils seront incha' Allah relogés dans une autre partie de leur Algérie sociale. Pourquoi pas ? Pourquoi pas quand on sait que des villas, des châteaux ont été vendus au dinar symbolique. Pourquoi pas quand des salariés d'une boîte qui a coulé veulent avoir des actions dans l'entreprise qu'ils ont coulée au moment où celle-ci va être vendue à un privé. Pourquoi pas, ya khouya, on est tous actionnaires et on revendique tous notre partie de l'Algérie. Netgasmou. Même sans justificatif, nos parents à nous étaient aussi moudjahidine. On refuse de demeurer «mouchahidine».
Pourquoi pas ? Il arrive avec un brassard de fortune autour du bras. Une matraque. Il lorgne une parcelle de trottoir et le voilà gardien de voitures. Comme il ne peut pas travailler 24 sur 24, il fait appel aux cousins et voisins pour la relève. C'est sa partie de l'Algérie qu'il revendique. Fi dik el houma il devient le coq, il ne travaille plus. Après quelques mois, c'est lui qui régule le stationnement dans tout le quartier. Tu as intérêt à être en bons termes avec lui, si tu veux pouvoir stationner devant ta boutique pour charger ou décharger une marchandise. Par la force du temps, c'est lui et ses sbires qui font la loi. Pourquoi pas ?
Il prend sa femme, son gosse, il grimpe l'escalier de l'immeuble ; une fois arrivé à la terrasse, il s'installe dans la «buanderie», change les serrures de la terrasse et jure de faire sauter une bouteille de butane si on venait le chasser de sa partie de l'Algérie patrie pétrie pour tous. Pourquoi pas ? Aujourd'hui il a un compteur électrique en son nom, donc une quittance Sonelgaz, donc une carte de résidence, donc une propriété. Et pourquoi pas ?
Il est appelé par le cousin du douar. Il se débrouille quelques tôles et, bel mtol, il construit son gîte. Barraka devant la barraka du cousin qui fait appel aux autres cousins et c'est le bidonville qui s'installe au pied de la ville. Dalma fi dalma, c'est l'insécurité, il faut donc leur installer l'électricité dans leur partie de l'Algérie. Ils seront incha' Allah relogés dans une autre partie de leur Algérie sociale. Pourquoi pas ? Pourquoi pas quand on sait que des villas, des châteaux ont été vendus au dinar symbolique. Pourquoi pas quand des salariés d'une boîte qui a coulé veulent avoir des actions dans l'entreprise qu'ils ont coulée au moment où celle-ci va être vendue à un privé. Pourquoi pas, ya khouya, on est tous actionnaires et on revendique tous notre partie de l'Algérie. Netgasmou. Même sans justificatif, nos parents à nous étaient aussi moudjahidine. On refuse de demeurer «mouchahidine».
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Poil dans l'œil
A ce beau-fils qui pleurait la mort de sa belle-mère plus que ses propres enfants, quelqu'un demanda les raisons de cette exagération. «Mais je pleure de peur qu'elle ne revienne !», dit-il. Ainsi donc, on ne pleure pas tous de la même façon, ni pour les mêmes raisons. Et lorsque les larmes coulent sur les joues, cela peut être de joie, de tristesse, de dépression ou... parce qu'on a un poil dans l'œil.
Dans la vie de tous les jours aussi, on pleure comme on peut et, à la limite, comme on veut. Lorsqu'on est obligé de changer de trottoir pour que nos gosses ne voient pas les bananes et les pommes, lorsqu'on n'a pas d'autre solution que de mendier des prêts minables pour acheter un sachet de lait pour cinq gosses, ou quand on ne peut que se retourner dans un lit qui ressemble, chaque jour un peu plus, à une tombe, il n'est nul besoin de faire appel aux ophtalmologistes ou aux ophtalmologues pour chercher un poil dans l'œil. Il n'y en a point ! Mais lorsqu'on pleure lors des funérailles du voisin de l'ami de la cousine du chauffeur de Monsieur, alors là, il n'est plus question d'un seul mais d'une touffe de poils dans les yeux.
El Guellil ne sait pas mentir car, n'en déplaise à Monsieur, lorsqu'on attend devant une épicerie plus d'un quart d'heure avant d'oser entrer mendier un litre d'huile pour des enfants qui, jure-t-on en éclatant en sanglots, ne se sont rien mis sous la dent depuis deux jours, il est fort déplacé de vouloir chercher quelque cheveu dans les yeux. Certes, le nombre des mendiants s'est accru ces derniers temps, mais est-ce pour autant que l'on est obligé de se promener avec un détecteur de mensonge ou avec un huissier pour faire mendier tout ce beau monde sous serment ? La vie, c'est bien beau lorsqu'on n'a pas de soucis à se faire... mais c'est encore plus beau lorsqu'on n'a pas de soucis à causer aux autres.
Alors si on a un sou (ci) à donner qu'on le donne en silence, c'est-à-dire sans commentaire, sinon que chacun garde sa monnaie et ses réflexions. Et s'il y a des poils à chercher, tout laisse croire que c'est dans les yeux de ceux qui, au départ d'un «Si flen», se mettent à déverser des fleuves de larmes non salées.
Tout compte fait, El Guellil ne sait pas pleurer, non plus. Et si, par hasard, cela lui arrive, c'est parce qu'il a, tout simplement, la poussière de la vie dans l'œil.
A ce beau-fils qui pleurait la mort de sa belle-mère plus que ses propres enfants, quelqu'un demanda les raisons de cette exagération. «Mais je pleure de peur qu'elle ne revienne !», dit-il. Ainsi donc, on ne pleure pas tous de la même façon, ni pour les mêmes raisons. Et lorsque les larmes coulent sur les joues, cela peut être de joie, de tristesse, de dépression ou... parce qu'on a un poil dans l'œil.
Dans la vie de tous les jours aussi, on pleure comme on peut et, à la limite, comme on veut. Lorsqu'on est obligé de changer de trottoir pour que nos gosses ne voient pas les bananes et les pommes, lorsqu'on n'a pas d'autre solution que de mendier des prêts minables pour acheter un sachet de lait pour cinq gosses, ou quand on ne peut que se retourner dans un lit qui ressemble, chaque jour un peu plus, à une tombe, il n'est nul besoin de faire appel aux ophtalmologistes ou aux ophtalmologues pour chercher un poil dans l'œil. Il n'y en a point ! Mais lorsqu'on pleure lors des funérailles du voisin de l'ami de la cousine du chauffeur de Monsieur, alors là, il n'est plus question d'un seul mais d'une touffe de poils dans les yeux.
El Guellil ne sait pas mentir car, n'en déplaise à Monsieur, lorsqu'on attend devant une épicerie plus d'un quart d'heure avant d'oser entrer mendier un litre d'huile pour des enfants qui, jure-t-on en éclatant en sanglots, ne se sont rien mis sous la dent depuis deux jours, il est fort déplacé de vouloir chercher quelque cheveu dans les yeux. Certes, le nombre des mendiants s'est accru ces derniers temps, mais est-ce pour autant que l'on est obligé de se promener avec un détecteur de mensonge ou avec un huissier pour faire mendier tout ce beau monde sous serment ? La vie, c'est bien beau lorsqu'on n'a pas de soucis à se faire... mais c'est encore plus beau lorsqu'on n'a pas de soucis à causer aux autres.
Alors si on a un sou (ci) à donner qu'on le donne en silence, c'est-à-dire sans commentaire, sinon que chacun garde sa monnaie et ses réflexions. Et s'il y a des poils à chercher, tout laisse croire que c'est dans les yeux de ceux qui, au départ d'un «Si flen», se mettent à déverser des fleuves de larmes non salées.
Tout compte fait, El Guellil ne sait pas pleurer, non plus. Et si, par hasard, cela lui arrive, c'est parce qu'il a, tout simplement, la poussière de la vie dans l'œil.
Séraphin- Admin
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
J'ai presque tout lu. Merci, je prends du plaisir en lisant ces textes.
De ce fait, tu as droit à un point .
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orange- Bandiana Jones
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Fréquentation
«Qui connaît la définition du mot hypocrite ?», dit l'instituteur à ses élèves. Tout le monde se tait. Un enfant lève le doigt: «moi monsieur, moi monsieur», «c'est un élève qui vient avec le sourire en classe»! C'est connu comme définition. Mais que dire quand l'instituteur adapte la réponse à sa réalité pour avancer: «l'hypocrite, c'est un enseignant capable d'affirmer qu'il vient dispenser des cours avec plaisir aux enfants».
Chkoune kane igoul qu'on en arriverait là ? Le maître est devenu un plus que «Oualou», El-Ousted, un moins que rien, de quoi faire rougir les poètes qui firent le panégyrique de l'enseignant. Tenez-vous bien ! Il lui est demandé de véhiculer sa science à l'enfant, de servir d'assistante sociale, et devant toute la violence qui éclate dans la société, il se voit contraint de faire même le policier en classe. Des couteaux, des chaînes de bicyclettes, des bouts de fer dans des cartables, des lames de rasoir enfouies entre deux couches de gomme, des «diableries» imaginables que seuls des enfants peuvent découvrir: c'est tout cela sa quotidienneté.
Des parents démissionnaires, trop pris, convoqués à l'occasion, lèvent les mains au ciel comme braqués par la délinquance, pour signifier leur défaite. Ils rougissent à la place de leur garnement, désarmant ainsi le directeur et l'instituteur: c'est un cas de figure. Souvent aussi, des pères commettent l'impair de tout mettre sur le «maître»: «le jour, disent-ils, où l'enfant aura face à lui un moualim irréprochable, il le prendra comme exemple». Et se retournant vers sa progéniture, il se mettra à débiter le lexique et le vocabulaire qui, quotidiennement, l'aide à éduquer son enfant.
Du blasphème à la vulgarité, il ne fait pas de transition. A bout de nerfs, il sortira un couteau à cran d'arrêt: «si la prochaine fois je suis convoqué à cause de toi, negsemlek el guerjouma».
- «Il ne récidivera sûrement pas, tente de calmer le directeur: c'est juste un problème de mauvaise fréquentation». Dehors, à fond les décibels «Milouda ouine kounti, goulili mine jebti loulid», était bêlé par un des représentants de ce qu'on veut être notre culture à l'étranger.
«Qui connaît la définition du mot hypocrite ?», dit l'instituteur à ses élèves. Tout le monde se tait. Un enfant lève le doigt: «moi monsieur, moi monsieur», «c'est un élève qui vient avec le sourire en classe»! C'est connu comme définition. Mais que dire quand l'instituteur adapte la réponse à sa réalité pour avancer: «l'hypocrite, c'est un enseignant capable d'affirmer qu'il vient dispenser des cours avec plaisir aux enfants».
Chkoune kane igoul qu'on en arriverait là ? Le maître est devenu un plus que «Oualou», El-Ousted, un moins que rien, de quoi faire rougir les poètes qui firent le panégyrique de l'enseignant. Tenez-vous bien ! Il lui est demandé de véhiculer sa science à l'enfant, de servir d'assistante sociale, et devant toute la violence qui éclate dans la société, il se voit contraint de faire même le policier en classe. Des couteaux, des chaînes de bicyclettes, des bouts de fer dans des cartables, des lames de rasoir enfouies entre deux couches de gomme, des «diableries» imaginables que seuls des enfants peuvent découvrir: c'est tout cela sa quotidienneté.
Des parents démissionnaires, trop pris, convoqués à l'occasion, lèvent les mains au ciel comme braqués par la délinquance, pour signifier leur défaite. Ils rougissent à la place de leur garnement, désarmant ainsi le directeur et l'instituteur: c'est un cas de figure. Souvent aussi, des pères commettent l'impair de tout mettre sur le «maître»: «le jour, disent-ils, où l'enfant aura face à lui un moualim irréprochable, il le prendra comme exemple». Et se retournant vers sa progéniture, il se mettra à débiter le lexique et le vocabulaire qui, quotidiennement, l'aide à éduquer son enfant.
Du blasphème à la vulgarité, il ne fait pas de transition. A bout de nerfs, il sortira un couteau à cran d'arrêt: «si la prochaine fois je suis convoqué à cause de toi, negsemlek el guerjouma».
- «Il ne récidivera sûrement pas, tente de calmer le directeur: c'est juste un problème de mauvaise fréquentation». Dehors, à fond les décibels «Milouda ouine kounti, goulili mine jebti loulid», était bêlé par un des représentants de ce qu'on veut être notre culture à l'étranger.
Séraphin- Admin
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
je vous applaudis séraphin pour le choix de ces texte. il éclairent vraiment des point sensibles de notre vie et de notre soiété
je vous remercie mon ami pour cela
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sergio-portio- Explorateur
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Deux visions
Ils cherchent à rouler avec la plus belle voiture, mais pour nous, ce qui compte c'est le nombre de personnes que nous accompagnons, en cas d'urgence dans nos voitures. Pendant qu'ils font toutes les boutiques pour trouver la dernière chedda, la dernière griffa qu'ils mettront pour frimer, nous démarchons toutes les associations pour proposer notre aide. Ce qui compte pour eux, c'est d'avoir un poste important, devenir charika gadra dans notre société. Pour nous, c'est ce qu'on peut faire de notre travail qui compte. Ils cherchent à représenter notre quartier, pendant que nous cherchons à être les meilleurs avec nos voisins. Ils sont connectés avec tout le monde extérieur, collés qu'ils aiment être à leur écran, pendant que nous parlons avec le voisin de palier qui n'arrive pas à joindre les deux bouts. Ils cherchent à avoir le plus beau mari, la plus belle femme, pendant que nous cherchons à être le meilleur mari ou la meilleure femme. Ils se vantent de leurs propres réussites, pendant que nous félicitons et encourageons les autres. Ils cherchent à avoir les plus grandes maisons, les mieux décorées avec le plus de dalles possibles pendant que nous cherchons à trouver une solution pour ceux qui n'ont pas de toit. Ils se plaignent, pendant que nous remercions, toujours. Il faut qu'ils soient à la mode, il faut qu'on soit cultivés. Ils s'intéressent à la nouvelle star et la mort de Michael Jackson les bouleverse parce qu'il faut qu'ils paraissent à la page. Nous lisons des pages et des pages de livres parce qu'il faut qu'on soit sages. Il faut qu'ils soient beaux, nous voulons être bons. Il faut qu'ils ramassent de l'argent, il faut qu'on amasse des bonnes actions. Ils veulent peser sur l'opinion, nous respectons toutes les opinions quand la nôtre est respectée. Il faut qu'on se presse, disent-ils. Soyons patient, est notre devise. L'essentiel pour eux est de se faire aimer, pendant que nous cherchons à aimer. Mais va expliquer tout ça à ton enfant.
Ils cherchent à rouler avec la plus belle voiture, mais pour nous, ce qui compte c'est le nombre de personnes que nous accompagnons, en cas d'urgence dans nos voitures. Pendant qu'ils font toutes les boutiques pour trouver la dernière chedda, la dernière griffa qu'ils mettront pour frimer, nous démarchons toutes les associations pour proposer notre aide. Ce qui compte pour eux, c'est d'avoir un poste important, devenir charika gadra dans notre société. Pour nous, c'est ce qu'on peut faire de notre travail qui compte. Ils cherchent à représenter notre quartier, pendant que nous cherchons à être les meilleurs avec nos voisins. Ils sont connectés avec tout le monde extérieur, collés qu'ils aiment être à leur écran, pendant que nous parlons avec le voisin de palier qui n'arrive pas à joindre les deux bouts. Ils cherchent à avoir le plus beau mari, la plus belle femme, pendant que nous cherchons à être le meilleur mari ou la meilleure femme. Ils se vantent de leurs propres réussites, pendant que nous félicitons et encourageons les autres. Ils cherchent à avoir les plus grandes maisons, les mieux décorées avec le plus de dalles possibles pendant que nous cherchons à trouver une solution pour ceux qui n'ont pas de toit. Ils se plaignent, pendant que nous remercions, toujours. Il faut qu'ils soient à la mode, il faut qu'on soit cultivés. Ils s'intéressent à la nouvelle star et la mort de Michael Jackson les bouleverse parce qu'il faut qu'ils paraissent à la page. Nous lisons des pages et des pages de livres parce qu'il faut qu'on soit sages. Il faut qu'ils soient beaux, nous voulons être bons. Il faut qu'ils ramassent de l'argent, il faut qu'on amasse des bonnes actions. Ils veulent peser sur l'opinion, nous respectons toutes les opinions quand la nôtre est respectée. Il faut qu'on se presse, disent-ils. Soyons patient, est notre devise. L'essentiel pour eux est de se faire aimer, pendant que nous cherchons à aimer. Mais va expliquer tout ça à ton enfant.
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Je te remercie pour les textes. Toujours au même niveau ces textes c'est à dire au TOP
+2
+2
orange- Bandiana Jones
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
C'est triste
«La mort est un examen auquel tout le monde prend part tôt ou tard. Sa particularité est que tout le monde est toujours admis, même le dernier de la classe», disait un artiste.
Des milliers de morts à Ghaza. Des soldats armés de la dernière technologie du massacre bombardent et tuent des civils, enfants et femmes et... les médias appellent ça guerre. Des centaines d'enfants palestiniens sont tués et voilà que les télés nous montrent une enfant israélienne égarée qui ne savait plus quoi faire de sa poupée. Tous les enfants sont égaux devant la mort, mais certains sont plus égaux que d'autres.
Emouvant ! la guerre.
Ce n'est guère la même chose en Irak. Là où la mort est banalisée au point où elle n'a plus d'intérêt informationnel. Elle ne fait plus vendre les canards.
Michael Jackson est mort. Soyons tristes, messieurs. C'est un événement planétaire. Non, n'en parlez pas comme pédophile. Non, de grâce. C'est juste qu'il aimait les enfants. Car son père, le «Nez-gros», le maltraitait, il n'a pas eu d'enfance, le pôvre. Michael est mort et c'est toute la machine judiciaire qui se met en branle. Ses médecins l'ont tué, dit-on. Son cardio est entendu par la police. Il n'a pas su le maintenir en vie.
Les enfants, les femmes, les vieux et les civils palestiniens n'avaient qu'à ne pas rester sous leur ciel au moment du largage des bombes. D'ailleurs il est incorrect de parler de ces victimes au moment où toutes les télés sont en deuil. Au moment où toute la planète pleure le roi de la musique pop. Les enfants pop-corn peuvent attendre que les canards n'aient plus rien à se mettre sous la dent des unes des autres journaux heureux de ne pas se casser la tête à chercher des ouvertures. C'est triste, plus triste que la mort de Michael.
«La mort est un examen auquel tout le monde prend part tôt ou tard. Sa particularité est que tout le monde est toujours admis, même le dernier de la classe», disait un artiste.
Des milliers de morts à Ghaza. Des soldats armés de la dernière technologie du massacre bombardent et tuent des civils, enfants et femmes et... les médias appellent ça guerre. Des centaines d'enfants palestiniens sont tués et voilà que les télés nous montrent une enfant israélienne égarée qui ne savait plus quoi faire de sa poupée. Tous les enfants sont égaux devant la mort, mais certains sont plus égaux que d'autres.
Emouvant ! la guerre.
Ce n'est guère la même chose en Irak. Là où la mort est banalisée au point où elle n'a plus d'intérêt informationnel. Elle ne fait plus vendre les canards.
Michael Jackson est mort. Soyons tristes, messieurs. C'est un événement planétaire. Non, n'en parlez pas comme pédophile. Non, de grâce. C'est juste qu'il aimait les enfants. Car son père, le «Nez-gros», le maltraitait, il n'a pas eu d'enfance, le pôvre. Michael est mort et c'est toute la machine judiciaire qui se met en branle. Ses médecins l'ont tué, dit-on. Son cardio est entendu par la police. Il n'a pas su le maintenir en vie.
Les enfants, les femmes, les vieux et les civils palestiniens n'avaient qu'à ne pas rester sous leur ciel au moment du largage des bombes. D'ailleurs il est incorrect de parler de ces victimes au moment où toutes les télés sont en deuil. Au moment où toute la planète pleure le roi de la musique pop. Les enfants pop-corn peuvent attendre que les canards n'aient plus rien à se mettre sous la dent des unes des autres journaux heureux de ne pas se casser la tête à chercher des ouvertures. C'est triste, plus triste que la mort de Michael.
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Merci Séraphin du texte. Oui, nous n'avons pas tous les mêmes valeurs.
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Re: Tranche de Vie par El-Guellil du Quotidien d'Oran
Veillées
Il est 22 heures, ou 10 heures du soir, ki tebghou. L'immeuble avait des airs de ruche géante. Toutes les lumières étaient allumées, et ça carburait à plein régime. Les bruits sourds des voix parvenaient à l'extérieur comme un bourdonnement d'un essaim d'abeilles ouvrières. 22h10. Chez Otchimine, Dhaouia ne savait plus où donner de la tête. Le thé, le café, zlabia et makrout... El hadj, plus grincheux que jamais, ne cessait de répéter, «khoufi maa! Active ! le temps passe. Nos invités ne vont pas tarder à rappliquer. Yadra le thé, rah wajed ?...»
22h20. «Dhaouiaaa...! Où est passée ma gandoura blanche, et sabati ?» «Ouin, ouin, ouin». «Mais qu'est-ce qu'il a le môme?» «C'est toi qui lui fais peur avec tes hurlements ?»
22h30. Zogha, la belle Zogha sifflotait gaiement, tout en s'affairant à la préparation de sa fameuse charlotte «à la Zogha», dans le secret le plus total. Reine dans sa cuisine. Gare aux curieux... aux critiques, et aux blancs d'oeufs qui ne veulent pas monter. «Ya lala ya tourkia...» scandait-elle d'une voix de stentor. «Ouin, ouin, ouin». «Mais qu'est-ce qu'il a le môme de chez Otchimine ?» cria-t-elle d'une voix tonitruante.
22h40. Chez H'mida, c'était le calme plat. Allongé sur un «sedari», un bandeau imbibé d'eau de Cologne serré autour de sa tête endolorie, le pauvre H'mida gémissait d'une voix à peine audible, «aïe, aïe, aïe rassi».
22h50. «Ouin, ouin, ouin», le pauvre chérubin s'égosillait, en vain. «Va voir ton fils ya benti !» 3 heures, 23h10... 23h20... 23h30... 23h40... Re-ouin, ouin, ouin...
23h50 !!! «Ça y est, tout est prêt» cria Dhaouia. «Ça y est, tout est prêt» chanta Zogha. «Aïe rassi» gémit H'mida. «Ouuuiiin!!!» hurla le garnement.
00 heure !!! ding, dung, dong! «Bouyaaaa! LMA JA, LMA JA, LMA JA...! «Agheu, agheu, lma, lma, lma...! Oh bébé a dit son premier mot !
Il est 22 heures, ou 10 heures du soir, ki tebghou. L'immeuble avait des airs de ruche géante. Toutes les lumières étaient allumées, et ça carburait à plein régime. Les bruits sourds des voix parvenaient à l'extérieur comme un bourdonnement d'un essaim d'abeilles ouvrières. 22h10. Chez Otchimine, Dhaouia ne savait plus où donner de la tête. Le thé, le café, zlabia et makrout... El hadj, plus grincheux que jamais, ne cessait de répéter, «khoufi maa! Active ! le temps passe. Nos invités ne vont pas tarder à rappliquer. Yadra le thé, rah wajed ?...»
22h20. «Dhaouiaaa...! Où est passée ma gandoura blanche, et sabati ?» «Ouin, ouin, ouin». «Mais qu'est-ce qu'il a le môme?» «C'est toi qui lui fais peur avec tes hurlements ?»
22h30. Zogha, la belle Zogha sifflotait gaiement, tout en s'affairant à la préparation de sa fameuse charlotte «à la Zogha», dans le secret le plus total. Reine dans sa cuisine. Gare aux curieux... aux critiques, et aux blancs d'oeufs qui ne veulent pas monter. «Ya lala ya tourkia...» scandait-elle d'une voix de stentor. «Ouin, ouin, ouin». «Mais qu'est-ce qu'il a le môme de chez Otchimine ?» cria-t-elle d'une voix tonitruante.
22h40. Chez H'mida, c'était le calme plat. Allongé sur un «sedari», un bandeau imbibé d'eau de Cologne serré autour de sa tête endolorie, le pauvre H'mida gémissait d'une voix à peine audible, «aïe, aïe, aïe rassi».
22h50. «Ouin, ouin, ouin», le pauvre chérubin s'égosillait, en vain. «Va voir ton fils ya benti !» 3 heures, 23h10... 23h20... 23h30... 23h40... Re-ouin, ouin, ouin...
23h50 !!! «Ça y est, tout est prêt» cria Dhaouia. «Ça y est, tout est prêt» chanta Zogha. «Aïe rassi» gémit H'mida. «Ouuuiiin!!!» hurla le garnement.
00 heure !!! ding, dung, dong! «Bouyaaaa! LMA JA, LMA JA, LMA JA...! «Agheu, agheu, lma, lma, lma...! Oh bébé a dit son premier mot !
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Séraphin j'avais l'impression de vivre avec eux , et ce bébé commençait à me casser la tête
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